Apprivoiser le storytelling peut-il contribuer à nous sauver ?
Le storytelling est partout
Le storytelling est partout. Parfaitement utilisé par les grandes entreprises (même si certaines s'emmêlent encore les pinceaux avec des discours trop autocentrés, sans réelle connivence avec leur audience), il est encore souvent sous-utilisé voire mal utilisé par l'action citoyenne. Pourtant, c'est cette expression, et celles qui en découlent à travers les mouvements et organisations éthiques et militantes, qui pourraient porter haut l'étendard du storytelling responsable. Celui qui sauvera, si ce n'est la planète, au moins l'honneur de l'humanité. Avant d'aller plus loin, revenons-en au concept même de storytelling.
Le storytelling se définit par le fait d'utiliser le récit dans la communication, à raconter une histoire plutôt qu'à mettre en avant les arguments techniques d'une organisation, d'une marque ou d'un produit. On parle aussi de communication narrative.
D'abord utilisé dans la fin du XXe siècle par les "spin doctors" américains chargés de conseiller les politiques dans leur conquête du pouvoir, le storytelling est ensuite repris dans la sphère économique. Il propose une technique de communication différente, moins intrusive, qui aide les consommateurs à comprendre la valeur ajoutée d'une offre et les valeurs qu'elle transmet. Retrouvez ici quelques exemples de storytelling bien connus.
A l'aube de l'an 2022, le storytelling, qui est devenu une arme incontournable de tout bon marketeur, se répand dans un contexte assez cafardeux, où la société est prise entre les mailles de crises systémiques : crise financière, crise économique, crise sanitaire, crise climatique, et même crise de sens.
Donner du sens à son action
Si cet outil est sollicité par les entreprises, c'est qu'il s'avère être un moyen efficace de toucher ses cibles dans une jungle commerciale que l'e-commerce a transformé en bouillon informatif et publicitaire constant et imbuvable. L'offre s'est surmultipliée. L'individu est devenu un consommateur-cible.
Ce qu'arrive à faire le storytelling dans ce milieu hostile, c'est toucher son audience par l'émotion. Elle raconte avec une certaine authenticité et met en scène le "pourquoi on fait ça" et "pourquoi on a besoin de ça". En alignant des valeurs et des émotions collectives, elle crée une communauté qui s'y retrouve dans sa quête de sens.
Les marques l'utilisent très tôt dans la définition de leur identité. En fait, elle apparait dès la création du nom d'une marque ou d'un produit. Le nom est la porte d'entrée vers l'univers dans lequel va s'exprimer tout un récit à base de marketing de contenu, quête sans fin vers l'accroissement de son audience, de son image, de ses bénéfices.
Le storytelling apporte une réelle motivation à entreprendre et à travailler pour une entreprise, car elle pose le socle d'une raison d'être. Elle va imprégner une culture d'entreprise, guider ses actions, apporter une ligne concrète dans laquelle les employés pourront s'engager. Le storytelling, en tissant un lien de proximité, apporte aussi une motivation au consommateur-usager pour qui ses marques favorites seront le vecteur de ses valeurs.
Servir les nobles causes
Cependant, là où le storytelling a encore une marge de progression, c'est pour défendre des causes majeures comme la question du dérèglement climatique. Si depuis 20 ans les scientifiques et activistes rament à faire comprendre aux décisionnaires qu'il faut agir et vite, c'est entre autre parce que la narration est mauvaise. Le message écologique n'a de cesse d'être ressassé de manière négative : il faut faire des efforts, il faut changer nos habitudes, il faut abandonner notre confort, il faut être sobre... Avouons que le concept n'est pas séduisant et que nous sommes nombreux, même convaincus par le sujet, à ne pas bouleverser nos habitudes de vie et à remettre la cause sur le dos des entreprises ou des politiques. Don't look up !
Depuis peu, le message est en train de changer, notamment dans l'action citoyenne : "Changeons notre modèle de société pour vivre demain dans un monde meilleur". Voici un discours plus positif. Nos politiques devraient en prendre de la graine pour ne plus faire de l'argument écologique une punition (et plutôt condamner le greenwashing !)
Combattre le côté obscur de la force
Avec le marketing et la communication de demain, basés sur la data, les univers virtuels (les metavers !), l'expérience utilisateur interactive et ludique, le neuromarketing, etc., le storytelling a une autoroute devant elle. Le concept évolue même en développement des démarches annexes comme le storymaking, le storyliving ou le storyselling.
Les esprits critiques auront encore des raisons de décrier cette technique, dans laquelle ils voient une méthode de manipulation des temps modernes. Ils auront à la fois tort et raison. Raison, car elle participe à la surconsommation qui affaiblit jour après jour notre planète. Tort, car la quête de sens que sert le storytelling peut aujourd'hui nous pousser vers un système plus éthique et raisonné. En cela, il doit être considéré à sa juste valeur. Après tout, l'Homme se raconte des histoires depuis tout temps, depuis la révolution cognitive d'il y a 70 000 ans. Faisons en sorte que ces histoires soient belles et modélisent un monde plus agréable pour nos enfants.
Quelques livres intéressants pour creuser la question du storytelling :
- Tous les marketeurs racontent des histoires, par Seth Godin
- L'art de convaincre par le récit, par Jean-Marc Guscetti